Communiqué « Mineur·es isolé·es à Menton et Nice : Enfermements, refoulements illégaux et absences de prises en charge » en téléchargement : MNA situation Menton Nice
Communiqué en ANGLAIS : Unaccompanied minors situation Menton and Nice – English.docx
Communiqué en ITALIEN : MSNA situazione Confine Francese Mentone Nizza – Italiano.docx
Mineur·es isolé·es à Menton et Nice :
Enfermements, refoulements illégaux et absences de prises en charge
La situation des Mineur·es Non Accompagné·es (MNA) dans les Alpes-Maritimes se dégrade à nouveau et de nombreux·ses jeunes subissent des traitements inadmissibles.
À Menton :
De nombreux·ses jeunes se déclarant mineur·es sont refoulé·es en Italie de façon totalement illégale alors qu’ils et elles doivent être admis·es systématiquement et sans délai sur le territoire français. C’est à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), service du Département 06, de procéder ensuite à leur évaluation de minorité, et non aux forces de l’ordre. Or ces jeunes sont refoulé·es par la police sans évaluation préalable par l’ASE. De nombreux témoignages font état de fausses dates de naissance enregistrées par les policiers pour justifier ces refoulements. De plus des mineur·es sont refoulé·es avec une Obligation de Quitter le Territoire Français et une Interdiction de Retour sur le Territoire Français sans être informé·es de leurs droits, ce qui rend toute contestation très difficile et constitue une atteinte grave à leurs droits.
Comme en avril dernier, des mineur·es sont enfermé·es dans les locaux de la Police Aux Frontières (PAF) dans l’attente que le Département 06 vienne les chercher. 68 mineur·es étaient enfermé·s ce lundi 21 août, dans des locaux totalement inadaptés et dans des conditions sanitaires déplorables : en pleine canicule, entassé·es, dormant à même le sol avec uniquement un lavabo et un WC. Ils et elles étaient jusqu’à 78 le 23 août ! Plusieur·es mineur·es ont été privé·es de liberté durant 3 à 5 jours ce qui constitue une violation manifeste de la convention internationale des droits de l’enfant dont la France est signataire.
Actuellement de nombreux·ses jeunes seraient encore détenu·es en toute illégalité dans les locaux de la PAF, sans avoir accès ni à un·e avocat·e, ni à un·e traducteur·ice. D’autres sont évacué·es et livré·es à eux·elles-mêmes, sans aucune prise en charge.
À Nice :
Les MNA sont contraint·es de se rendre au Commissariat Auvare pour demander la protection de l’ASE. Les temps d’attente pour certain·es jeunes au service du « Quart » d’Auvare se sont prolongés jusqu’à 25h sans manger, avant qu’un·e éducateur·ice ne vienne les chercher. Désormais, le commissariat ne laisse même plus entrer les mineur·es : sous prétexte d’être saturé et de ne pouvoir ouvrir de nouveaux locaux, les jeunes sont priés d’attendre dans le jardin public voisin, et de revenir le soir ou le lendemain. Le 23 août, une dizaine d’entre eux·elles attendaient leur prise en charge, certain·es dormant dehors depuis plusieurs jours. Beaucoup partent sans pouvoir faire valoir leur droit à la Protection de l’enfance.
À Nice, c’est désormais la police qui empêche les MNA d’être placé·es : en ne les laissant pas entrer, les signalements de « mineur·es en danger » ne sont pas envoyés au procureur et à l’ASE qui ne sont même pas informés de leurs situations.
Le traitement des MNA par les forces de l’ordre dans les Alpes-Maritimes est inadmissible. La police manque à ses obligations légales envers ces personnes vulnérables, tout comme le Département 06 qui ne vient pas les chercher dans les locaux de la police dans des délais suffisamment rapides pour une mise à l’abri. Les délaissements de mineur·es et la non-assistance à personne en danger sont manifestes.
Rappelons que déjà en 2018 fut déposé légalement, en 18 pages, auprès du procureur de Nice, par des associations, un signalement d’exactions du type de celles que nous citons aujourd’hui … qu’un an après le même procureur classait sans suite !
Nous demandons la prise en charge effective de tous les Mineur·es Non Accompagné·es, l’arrêt immédiat des refoulements en Italie sans évaluation préalable et réglementaire par l’ASE, et l’arrêt des enfermements abusifs au poste frontière.
Nous demandons le respect intégral de la convention internationale des droits de l’enfant dans le département des Alpes-Maritimes.
Signataires : Alliance des avocats et praticiens du droit des étrangers pour la défense des droits fondamentaux (Alliance-DEDF) – CIMADE 06 – Habitat et Citoyenneté – IMPERIA Solidale – La Talpa e l’Orologio – Ligue des Droits de l’Homme (LDH) Provence Alpes Côte D’Azur – Médecins du Monde Italia – Médecins du Monde PACA – Médecins Sans Frontières Italia – No Name Kitchen – Non Una di Meno Ponente Ligure – Progetto 20K – Réseau Education Sans Frontière (RESF) 06 – Roya citoyenne – Syndicat des Avocats de France (SAF) – Tous citoyens ! – We World onlus
VIDEO filmée par un mineur non accompagné enfermé dans les locaux de la PAF le 21/08/2023 :
Le récit (retranscrit par une militante solidaire des personnes en migration et de défense des droits humains fondamentaux) de Siaka (prénom modifié), mineur enfermé à la Police aux Frontières à Menton de dimanche 20 à mardi 22 août, refoulé en Italie avec une OQTF et une IRTF :
« Je suis né en Guinée Conakry en 2007. J’ai 16 ans. Il y a deux mois, je suis arrivé à Lampedusa. Je suis correctement enregistré en tant que mineur. Le samedi 19 août, je suis arrivé à Vintimille (dernière ville italienne avant la France). J’ai dormi à la gare et je suis monté dans le premier train pour Nice dimanche 20 août au petit matin. A la gare de Menton Garavan, la police française me contrôle ainsi que d’autres personnes et nous fait descendre du train. Là, on nous a emmenés vers un véhicule stationné devant la gare. On a donné notre nom et date de naissance mais les policiers n’ont pas écrit ma vraie date de naissance. Je suis né en 2007, ils ont mis 2004. On nous a transférés au poste de la police aux frontières. On m’a donné un papier avec écrit »refus d’entrée ». Après un moment, on m’a fait partir sur le territoire italien. Quand je suis arrivé, les policiers italiens ont pris mes empreintes, c’est sorti »mineur ». Un policier italien m’a raccompagné au poste de police français. Quand je suis arrivé, on m’a fait entrer dans une pièce où il y avait déjà beaucoup de personnes comme moi, des mineurs renvoyés par les Italiens. Il était aux alentours de 16h. Il y avait une quarantaine de personnes environ. Certains étaient déjà là depuis deux jours. On était serrés. Il n’y avait rien pour se poser, on devait se mettre par terre. La porte était toujours fermée à clé. Il y avait un petit robinet et un WC, que nous nous efforcions de maintenir propre. Il y avait une climatisation. Il y avait une fenêtre à travers laquelle on ne pouvait rien voir et avec des barreaux. Le matin on nous apportait des biscuits et une petite bouteille d’eau, vers 14h une sorte de boite avec du riz et à 22h ça pouvait être une pizza. On avait peu d’échanges avec les policiers, sauf quand ils avaient besoin de nous. Au fur et à mesure, des personnes étaient appelées par groupes variables, de 2 à 15, pour être transférées mais on ne savait pas où. Et de nouvelles personnes continuaient à arriver. Parfois c’était des familles, des femmes avec des enfants. Un petit qui avait été appelé mais qui est revenu dans la pièce m’a dit qu’on ne l’avait pas emmené ailleurs mais dans une sorte de hangar à coté (certainement les containers attenants à la PAF où sont enfermés les hommes adultes en attente de refoulement). Il a finalement été rappelé et je ne sais pas où il est maintenant mais j’espère pour lui qu’il a été emmené ailleurs. En ce qui me concerne, je ne suis pas sorti de la pièce jusqu’à mardi. Mardi 22 août, on m’a appelé, seul. On a vérifié mes empreintes : les renseignements qui sont sortis sont ceux qui ont été enregistrés à mon arrivée en Italie : j’ai reconnu la photo de moi qui a été prise à Lampedusa. Ensuite on a pris à nouveau mes empreintes mais sur une autre machine et on m’a pris en photo. Je ne savais pas ce que la police était en train de faire, on ne m’a rien expliqué. On ne m’a rien demandé non plus, on ne m’a pas posé de question. Je sais que certains autres jeunes ont parlé avec une personne qui n’était pas un policier et qui leur posait des questions sur leur âge, la situation de leur famille, comment ils étaient arrivés ici. J’ai vu cette personne mais elle ne m’a pas parlé. On m’a ramené dans la pièce et après un certain temps, on m’a appelé à nouveau. Là on m’a donné des documents à mon nom, mais ma date de naissance et mon lieu de naissance avaient été changés. C’était marqué que j’étais né en 2005 alors que je suis né en 2007, je ne connais pas le lieu de naissance qui est marqué et parfois c’est même écrit que je viens de Guinée Bissao alors que je suis originaire de Guinée Conakry. Ce document est une obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour sur le territoire français pour un durée de un an. On m’a donné ces papiers sans rien m’expliquer. Une policière m’a juste poussé hors du poste de police en me disant de quitter le territoire. Je suis remonté au poste de police italien. Là, les policiers italiens se rappelaient de moi, ils ont dit « on a déjà vérifié tes empreintes, tu es mineur » mais ils ont vu les papiers que m’ont donné les policiers français, ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient rien faire pour moi, ils n’ont pas vérifié mes empreintes et m’ont fait rentrer sur le territoire italien. C’est là que j’ai rencontré un travailleur social italien qui m’a aidé. C’était mardi 22 août en fin d’après-midi. Je ne sais plus ce que je dois faire maintenant. »
NB : Une histoire très similaire est arrivée à un autre mineur qui a été enfermé à la PAF à partir de samedi 19 août. Il en est ressorti le mardi 22 août en fin de journée avec une OQTF lui aussi.
A lui aussi les policiers français ont enregistré ses empreintes et refait une photo, après avoir consulté les données prises lorsqu’il a débarqué en Italie. Mais lui a eu un entretien d’un quinzaine de minutes avec une personne qui n’était pas une policière et qui lui a posé des questions sur sa famille et son voyage. Lorsqu’il a été refoulé, il s’est dirigé vers le poste frontière italien mais on lui a fait signe de ne pas s’y arreter et de continuer vers le territoire italien. Ses empreintes n’ont donc pas été revérifiées par la police italienne.
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The story of Siaka (name changed), a minor who was detained by the Border Police office in Menton from Sunday 20 to Tuesday 22 August 2023, and pushed back to Italy with an OQTF (expulsion) and an IRTF (interdiction of coming back) :
« I was born in Guinea Conakry in 2007. I am 16 years old. I arrived in Lampedusa two months ago where I have been correctly registered as a minor. On Saturday 19 August, I arrived in Ventimiglia (the last Italian town before France). I slept at the station and got on the first train to Nice (France) in the early hours of Sunday 20 August. At Menton Garavan station, the French police checked me and some other people and made us get off the train. We were then taken to a vehicle parked in front of the station. We gave our name and date of birth, but the police didn’t write down my real date of birth. I was born in 2007, but they wrote 2004. We were transferred to the border police station. They gave me a document saying « refusal of entry ». After a while, they sent me to Italy. When I arrived, the Italian police took my fingerprints and it said « minor ». An Italian police took me back to the French police station. When I arrived, I was put into a room where there were already a lot of people like me, minors sent back by the Italians. It was around 4pm. There were about forty people there. Some had already been there for two days. We were squeezed in. There was nothing to sit on, we had to stay on the ground. The door was always locked. There was a small tap and one toilet, which we tried to keep clean. There was air conditioning. There was a barred window through which you couldn’t see anything. In the morning we were brought biscuits and a small bottle of water, at around 2pm some sort of box with rice and at 10pm it might be a pizza. We didn’t have much contact with the police, except when they needed us. As time went by, people were called in in varying groups, from 2 to 15, to be transferred, but we didn’t know where. And new people kept arriving. Sometimes there were also families, women with children, in the room with us. One boy who had been called but came back into the room told me that he hadn’t been taken elsewhere but to a sort of hangar next door (probably the containers next to the PAF where adult men waiting for their push back are locked). He was finally called again and I don’t know where he is now, but I hope for his sake that he was taken somewhere else. As far as I’m concerned, I didn’t leave the room until Tuesday.
On Tuesday 22 August, I was called, alone. They checked my fingerprints. The information that came out was the same that was recorded when I arrived in Italy : I recognised the photo of me that had been taken in Lampedusa. Then they took my fingerprints again, but on a different machine, and took a new photo of me. I didn’t know what the police were doing, they didn’t explain anything to me. They didn’t ask me anything either. I know that some of the other young people spoke to someone who wasn’t a police officer and who questioned them about their age, their family situation and how they got here. I saw this person but they didn’t speak to me. I was taken back to the room and after a while they called me again. I was given documents in my name, but my date of birth and place of birth had been changed. It said that I was born in 2005, whereas I was born in 2007, I don’t know the place they wrote I was born at, and sometimes there is even a confusion between my country Guinea Conakry and Guinea Bissao. This document is an obligation to leave French territory with a one-year ban on re-entering French territory. I was given these papers without any explanation. A policewoman just pushed me out of the police station and told me to leave the country. I went back up to the Italian police station.
Then the Italian police remembered me, they said « we’ve already checked your fingerprints, you’re a minor », but when they saw the papers the French police had given me, they told me they couldn’t do anything for me, they didn’t check my fingerprints and let me back into Italy. That’s where I met an Italian social worker who helped me. It was late afternoon on Tuesday 22 August. I don’t know what to do now.
A very similar story happened to another minor who was detained at the PAF from Saturday 19 August. He too was issued with an OQTF late on Tuesday 22 August.
The French police also recorded his fingerprints and took a new photo of him, after consulting the data taken when he arrived in Italy. But the difference is that he had a fifteen-minute interview with someone who was not a police officer and who asked him questions about his family and his journey. When he was pushed back, he went towards the Italian border police office, but was told not to stop there and to continue towards Italian territory. His fingerprints were therefore not checked again by the Italian police.
In Ventimiglia, Italy, 23 August 2023