Lettre d’infos de Roya citoyenne Janvier-avril 2023

Lettre d’infos Roya citoyenne de janvier-avril 2023

Projet de loi relatif à l’asile et à l’immigration

Le gouvernement après avoir envisagé son retrait puis envisagé de « saucissonner la loi sur l’immigration » pour sauvegarder le maximum d’articles, espérant que la droite vote certaines parties (expulsions) et la gauche d’autres (régularisation), reporte finalement la discussion à l’automne. La loi sera présentée en une seule fois, et en plus pour E. Macron pas question d’une convention citoyenne le sujet étant «trop technique et trop juridique» pour de simples citoyens!

Quant aux associations elles demandent le retrait pur et simple de ce 29° projet de loi depuis 1980, d’autant plus que le bilan de la loi Collomb de 2019 n’a toujours pas été fait et que ce nouveau projet est encore plus répressif (diminution du temps de recours, augmentation des OQTF…). Des manifestations contre le racisme et la loi Darmanin ont été organisées dans une trentaine de ville le 25 mars et le 29 avril et la mobilisation continue. Le but du report étant d’essayer d’avoir un consensus avec les Républicains, on peut craindre le pire. Dors et déjà, dans son programme pour les 100 prochains jours, E. Borne vient d’annoncer l’envoi en renfort de 150 forces de police et de l’armée à la frontière Menton/Vintimille.

Pourtant le modèle d’intégration «à la française» fonctionne encore : 31% des Français ont au moins un parent ou un grand parent étranger mais seuls 5% ont leurs quatre grands-parents étrangers

Pourtant il y aurait en 2023 1 683 915 Français vivant à l’étranger inscrits au registre des Français établis à l’étranger (les plus nombreux en Suisse) l’inscription n’étant pas obligatoire, le chiffre de 2,5 millions semble plus probable… et nous n’avons pas une dictature, la guerre, la famine…

Pourtant nous avons besoin de main-d’œuvre étrangère et leur donner des droits serait la moindre des choses. Déjà en région parisienne un travailleur sur 4 est un immigré, en France 1 sur 10. Que ferions-nous sans eux ?

Enfin si les personnes pouvaient circuler sans risques, elles ne seraient pas obligées de rester en France sans oser partir tenter leur chance ailleurs par peur de ne pouvoir revenir…

  • A Mayotte

– Un pas vient d’être franchi non seulement dans les faits (préparation pendant des semaines et même des mois d’ une opération de destruction de bidonvilles, chasse aux sans papiers et aux délinquants, expulsions…) mais aussi dans les discours. Le 24/04, le vice président du conseil départemental déclare sur la chaîne publique «Mayotte la 1°» à l’occasion de l’opération «wambushu» : «des gamins qu’on voit de loin… des délinquants, ces voyous, ces terroristes, à un moment donné il faut peut-être en tuer et je pèse mes mots» (ah bon !) Repris par la présentatrice il enfonce le clou «s’il y en a pas un qui est tué, il y en aura toujours d’autres qui vont tenter à (sic) tuer des policiers».

– Notons que là-bas, 84% de la population vit sous le seuil de pauvreté (5 fois plus qu’en métropole) et que seulement 32% des personnes de 15 ans et plus, sorties du système scolaire, possèdent un diplôme qualifiant (72% en métropole) selon «le Monde».

«C’est une situation aberrante et, là aussi, on veut régler la situation de misère sociale par la répression et en désignant les étrangers en boucs émissaires» déclare pour sa part MC Vergiat vice présidente de la LDH.

– En ordonnant au préfet de Mayotte «de mettre à disposition des habitants des lieux de stockage pour la préservation de leurs biens» et «de proposer des solutions de relogement adaptées aux familles concernées», la juge des référés rétablit l’ordre des priorités. Elle impose la seule alternative acceptable aux bulldozers et aux escadrons de CRS, unique credo d’une administration qui n’hésite pas à brutaliser les plus précaires pour asseoir son autorité rajoutent dans un Communiqué de presse l’ADDE, le GISTIet le SAF

  • En Italie

– Par décret (28/12/22) le gouvernement de Georgia Meloni vise à réduire le nombre de personnes ramenées à terre en limitant le nombre d’opérations de sauvetage que les ONG peuvent faire en une sortie en mer. Un bateau est désormais obligé de rentrer au port dès qu’un sauvetage est mené, sans attendre une nouvelle alerte. De plus le port imposé est choisi pour son éloignement afin d’entraver au maximum le sauvetage des migrants.

– Au moins 72 migrants morts en Méditerranée le 26/02 avec en prime une polémique : les secours auraient mis 6h pour arriver. Une dizaine de jours plus tard le gouvernement de G. Meloni a adopté un décret-loi qui prévoit un nouveau délit passible de 30 ans de prison pour les passeurs dont l’action entraîne la mort ou de graves blessures aux victimes. Il prévoit aussi des centres de rapatriement de migrants illégaux dans toutes les régions pour rendre les expulsions plus rapides et efficaces. Le gouvernement a annoncé aussi la suppression des permis de séjour pour raison humanitaire, «trop largement distribués» qui seront remplacés par le statut de protection subsidiaire.

– Au 20/04/23 plus de 31 000 migrants sont arrivés dans le sud de l’Italie, depuis le début de l’année

  • En France

-Le ministère de l’Intérieur français a conclu le 14 mai 2022 avec Corsica Linea deux contrats pour expulser des migrants illégaux à destination de l’Algérie et de la Tunisie. Selon les clauses Corsica Linea, «prévoit des cabines sécurisées puisque le rapatriement forcé sera assuré par une escorte qui accompagnera de près les expulsés tout au long du trajet ». (site Africa Intelligence).

-Le Décret N° 2022-1704 du 27 décembre porte création d’un office de lutte contre le trafic illicite de migrants. Rattaché au ministère de l’intérieur il travaillera en lien avec le ministère de la justice, le ministère de l’économie et des finances, le ministère chargé du travail et les organismes compétents.

-En 2022, Il y a eu 131 000 demandes d’asile. Les personnes venant d’Afghanistan, du Soudan sud, d’Erythrée et de Syrie sont celles qui obtiennent le plus l’asile. Celles venant du Maroc et de Côte d’Ivoire beaucoup moins. Actuellement une décision définitive (après passage à l’OFPRA et au CNDA) serait prise en moyenne environ 12 mois après le 1° RDV à la SPADA.

  • Dans les Alpes-Maritimes et à la frontière Menton/Vintimille

– C. Estrosi et son 1° adjoint délégué à la sécurité ont proposé à Darmanin la mise à disposition d’un local municipal pour créer un CRA (Centre de Rétention Administrative) temporaire (ils ont déjà identifié 3 lieux mais aucun pour accueillir dignement les demandeurs d’asile et les MNA qui sont à la rue!…). Ceci dans un contexte de lutte contre la délinquance. Le raisonnement de la municipalité est que si les étrangers en situation irrégulière sont pris en charge rapidement, présentés devant un juge et le cas échéant envoyés en CRA, ils échappent à la main mise des trafiquants! (Nice Matin 23/03).

– Alors qu’accueillir les MNA (Mineurs Non Accompagnés) est une obligation et que c’est toujours l’intérêt du jeune qui doit être pris en compte (CIE Convention Internationale de l’Enfant ratifiée par la France), E. Ciotti demande des renforts de gendarmerie à la frontière franco-italienne pour éviter «qu’un ras-de marée migratoire ne s’abatte sur notre pays» et, pour contrôler l’arrivée de jeunes déclarant être mineurs isolés. Pourtant ce n’est pas à la PAF mais à l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance) d’évaluer l’isolement et la minorité des jeunes se déclarant mineurs. De plus, refouler un jeune à la frontière sans évaluation sociale préalable est illégal, c’est une négation de la présomption de minorité et cela ne permet pas les recours juridiques (acceptés une fois sur 2 pour ceux faits par les MNA avec l’aide de Tous Citoyens, association niçoise)

– La députée RN Alexandra Masson, elle, s’oppose à «un nouveau Calais à Menton» à la suite de la réquisition d’un gymnase pour y accueillir les jeunes exilés (46 arrivés en un jour et demi) et mettrait tout le monde en CRA avant expulsion!… Notons qu’elle n’a rien dit quand en janvier, 18 MNA (sur 25 arrivés donc 7 ont été renvoyés juste parce qu’ils ne semblaient pas majeurs…) ont été gardés 1 à 2 nuits à la PAF de Menton faute de solution d’hébergement.

– Amnesty International France, l’Anafé, la Cimade, Médecins du Monde, Médecins sans frontières, dans un communiqué de presse commun déclarent : «Tous les jours, des dizaines de personnes exilées sont interpellées, privées illégalement de liberté et refoulées à Menton. Parmi elles se trouvent des mineurs isolés, mais également des familles et des demandeurs d’asile. Nos organisations dénoncent des procédures expéditives, qui ne respectent pas les droits de ces personnes, notamment le droit de pouvoir demander l’asile, d’avoir accès à un interprète, à un avocat et à un médecin. Ces personnes sont enfermées avant d’être refoulées sans examen de leur situation individuelle – ce qui est illégal. D’après les chiffres transmis par les autorités, 30 146 personnes ont ainsi été refoulées à Menton pont Saint-Louis suite à un refus d’entrée en 2021, parmi lesquelles 1 108 mineurs isolés.

Alerte sur les libertés associatives

Le 5 avril dernier, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, interpellé sur les critiques formulées par la Ligue des Droits de l’Homme quant à l’action des forces de l’ordre à Sainte Soline, a indiqué que, dans ce contexte, les subventions accordées par l’Etat à la LDH devraient être examinées, avant d’enjoindre les collectivités territoriales à faire de même. Loin de remettre en cause ces propos, la Première Ministre a renchéri en questionnant certaines prises de position de cette même association. Il est évidemment normal qu’un financeur s’assure de la bonne utilisation des fonds par les associations qu’il subventionne mais subventionner une association ne veut pas dire la contraindre au silence.

La loi confortant le respect des principes de la République et ses dispositions relatives au Contrat d’engagement républicain CER, à l’élargissement des motifs de dissolution d’associations, au renforcement des mesures de contrôle des financements sont une traduction très concrète de ce tournant dangereux dans les rapports entre administrations et associations. Le CER constitue de plus en plus souvent une épée de Damoclès, voire une menace non déguisée pour des associations dont les activités militantes ne répondent pas aux positions de leurs interlocuteurs politiques (épée déjà utilisée contre Alternatiba Poitiers, la LDH, la Maison régionale de l’environnement et de la solidarité de Lille, le Planning Familial 71…).

Maraudes

– La trentaine d’équipes de maraudes a distribué 10 400 repas durant les trois premiers mois de 2023 (janvier 3 960 février 2 680 mars 3 760). Actuellement, c’est 100 à 150 et même parfois plus de 200 repas par jour car certaines équipes ne se contentent pas de distribuer au parking en face du cimetière mais vont aussi à la gare et sur la plage. De plus en plus de nourriture est récupérée et certaines vont investir dans des congélateurs.

Les accueils à la sortie de la PAF coté italien relancés par Relier Menton et Science Po Refugee Help continuent avec l’aide de plusieurs solidaires. Ils permettent d’informer les exilé-e-s sur les différents endroits à Vintimille où ils peuvent manger, recharger les téléphones… et de savoir pourquoi et comment on les renvoie en Italie.

Demandes d’asile /Mineurs Non Accompagnés dans la vallée

– De début janvier à fin avril, au moins 35 hommes, 28 femmes (certaines enceintes), 15 enfants et 11 MNA ont été pris en charge par Roya Citoyenne et accueillis par des militants ou sympathisants de l’association. Ils sont accompagnés jusqu’à Breil où se trouve la gendarmerie à laquelle les demandeurs d’asile présentent leur attestation de demande. Ils sont interrogés par la suite par la PAF de Menton et après peuvent poursuivre leur trajet (au moins jusqu’à Nice) pour pouvoir se rendre à la SPADA où ils ont RDV en général le lendemain. Ce qui peut poser problème pour ceux qui veulent faire leur demande ailleurs…

– Les MNA eux, après avoir été entendus par la PAF Menton, ont pour certains été illégalement renvoyés en Italie (sans voir leur minorité déterminée par l’ASE et sans pouvoir faire de recours) avec un papier de reconduite à la frontière et parfois avec une OQTF! (obligation de quitter le territoire français).

Distribution de flyers «Stop aux contrôles au facies»

– A l’initiative de l’association Tous citoyens ! en partenariat avec une dizaine d’associations une phase test a eu lieu à Nice et à Breil. En ce qui concerne Breil, la distribution a vite été arrêtée par le major de la gendarmerie sous prétexte que le tract contrevenait à la loi et était passible d’une amende de 135€… Sous prétexte qu’il est obligatoire de faire figurer la mention : «Ne pas jeter sur la voie publique» et de faire figurer le nom et l’adresse de l’imprimeur, ou, s’il a été directement imprimé/photocopié par l’association, d’indiquer «imprimé par nos soins, nom et adresse de l’association».

A Nice, rien de tout cela, ni concernant les mêmes tracts ni ceux distribués lors des manifestations contre les retraites…

Soutien à Pinar Selek

Etudiante à Istanbul, fin des années 90, Pinar travaille sur le traitement des minorités en Turquie. En 1998, une violente explosion à l’entrée du Marché aux épices d’Istanbul, fait 7 morts et 120 blessés. A l’époque, la «guerre» bat son plein entre l’Etat turc et la rébellion kurde. On l’arrête, la torture afin qu’elle livre le nom de militants kurdes interviewés lors de ses recherches. Considérée comme terroriste, elle reste 2 ans en prison puis est remise en liberté en décembre 2000, après que deux rapports d’experts aient conclu à une explosion accidentelle, due à une fuite d’une bouteille de gaz alimentant un réchaud à döner-kebab. Jugée et acquittée 4 fois par la justice turque, en juin dernier la Cour Suprême annulant le dernier acquittement, Pinar se retrouve sous le coup d’une condamnation à perpétuité et d’un mandat international lancé contre elle.

Un nouveau procès à la demande de la Cour Suprême devait se tenir le 31 mars 2023. Une délégation d’une centaine de personnes, notamment de Nice, (Pinar étant maîtresse de conférences à l’Université de Nice et militante active des droits de l’Homme) s’est rendue à Istanbul. Y participait, Françoise Cotta, avocate pénaliste au bureau de Paris, très militante elle-même, qui représentait Roya Citoyenne. Nous ne pouvions en effet que la soutenir. Une partie de la délégation a pu entrer dans le tribunal tandis que l’autre essayait d’informer dehors. Le procès a été ajourné jusqu’au 29 septembre… Autant les magistrats ont été attentifs à la délégation autant les policiers étaient parait-il mauvais.

Des chiffres intéressants

En 2022, il y a eu environ 139 000 demandes d’asile. Concernant les décisions, l’OFPRA a attribué l’asile à 38 789 personnes sur un total de 134 454 décisions soit un taux d’accord de 28,8%. La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a par ailleurs pris 14 456 décisions positives sur un total de 67 142 décisions soit un taux d’accord de 21,5% : les décisions CNDA n’incluant pas les mineurs (contrairement à l’OFPRA), il faut ajouter 2 934 mineurs accompagnants pour connaître le nombre total de personnes protégées par la France en 2022, soit 56 179 bénéficiaires du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Jamais la France n’avait protégé autant de personnes au titre de l’asile sur une seule année.

Concernant les délais d’instruction, l’OFPRA a atteint en 2022 un délai moyen de traitement de 5,2 mois (avec un «point bas» à 4 mois en fin d’année) tandis qu’un délai moyen de 6 mois et 16 jours était constaté à la CNDA. En moyenne, une demande d’asile était donc traitée en un an environ (11 mois et 22 jours) contre près de 16 mois l’année précédente. Si l’on ajoute les délais précédant l’enregistrement de la demande par l’OFPRA (environ 1 mois, hors procédures Dublin qui peuvent s’étendre pendant plus de 18 mois avant une requalification) ainsi que le délai de recours (1 mois), nous sommes encore bien loin des objectifs gouvernementaux dans ce domaine. (source : Forum des réfugiés).

Divers

Un amendement discret vient de porter l’obligation de résidence de six mois à neuf mois pour toucher le minimum vieillesse. C’est un énorme coup. Ce sera catastrophique pour les immigrés retraités. Combiné à la hausse du foncier, cela rendra impossible le maintien en France pour beaucoup d’entre eux

Article L815-1 Modifié par LOI n°2023-270 du 14 avril 2023 – art. 18 (V)

NB Vous pouvez trouver plein d’informations sur les sites de la Cimade, du Forum des Réfugiés, du GISTI et… aussi sur notre site bien sûr!

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