COMMUNIQUE « Frontières franco-italiennes : une frontière où on continue de mourir » / ASGI 11/2/22

France-Italie – une frontière où l’on continue de mourir

Roya citoyenne est signataire de cet « Appel aux autorités » initié par l’ASGI, importante association nationale italienne (Associazione per gli Studi Giuridici sull’Immigrazione – Association pour des études juridiques sur l’immigration) :

Communiqué en français en téléchargement, cliquez.

11 février 2022

La frontière franco-italienne: un endroit
où l’on continue de mourir

Trois morts de plus à la frontière franco-italienne. Le 1er février 2022, deux ressortissants
étrangers qui tentaient de franchir la frontière sont morts dans des circonstances tragiques à
Vintimille et Oulx. Un mois plus tôt, début janvier, un autre corps était retrouvé cette fois-ci de
l’autre côté de la frontière, près de Modane. Trois histoires et trois lieux frontaliers différents
mais un même destin.
S’il a été au moins possible d’identifier Ullah Rezwan Sheyzad, le jeune Afghan de 15 ans mort
près d’Oulx, il n’en a pas été de même pour le deuxième corps retrouvé à Vintimille.
Ullah, qui avait quitté l’Afghanistan en juin dernier, a été retrouvé mort près de la voie ferrée
à quelques kilomètres d’Oulx, dernier point de transit avant le passage de la frontière vers
Briançon. Il portait encore son sac à dos, qui contenait le strict nécessaire pour vivre et
quelques adresses de connaissances à Paris. Après quelques semaines passées dans la
communauté Bosco di Museis à Cercivento, il avait décidé de poursuivre son voyage.
Le deuxième événement tragique a eu lieu à Latte, près de Vintimille. Afin d’éviter les
contrôles de police, une personne en migration a grimpé sur le toit du train à destination de
la France et a été électrocuté à quelques kilomètres de sa destination. L’état du corps n’a
même pas permis d’établir l’identité de cette personne.
A cela s’ajoute une tragédie du début du mois de janvier: Fathallah Balafhail, 31 ans, d’origine
marocaine, a été retrouvé mort au barrage du Freney, juste de l’autre côté de la frontière,
non loin de Modane.
Il ne s’agit pas d’événements isolés. Les politiques de contrôle des frontières, intensifiées ces
dernières années, contribuent au moins indirectement à l’augmentation du nombre de décès
à la frontière. Depuis 2015, la France a réintroduit des contrôles aux frontières intérieures, et
a continué à les renouveler bien au-delà des délais prévus par le code frontières Schengen.
Outre les contrôles aux frontières, les contrôles de police ont été considérablement renforcés,
notamment via le déploiement de patrouilles mixtes.
Les contrôles de police effectués à proximité des zones frontalières intérieures italiennes,
outre le fait qu’ils suscitent des doutes quant à leur légalité par rapport à d’autres aspects du
code frontières Schengen, semblent également avoir un caractère purement répressif ; lors
de ces contrôles, aucune attention particulière ne semble être accordée à la vulnérabilité des
personnes soumises aux contrôles et aucune mesure ne semble être prise pour protéger les
mineurs et les victimes de la traite.
En outre, bien que le code frontières Schengen interdise expressément l’exercice de
discriminations fondées sur le sexe, l’origine raciale ou ethnique, la religion ou les convictions,
le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle lors des contrôles aux frontières, les témoignages
des associations montrent que les contrôles effectués par les polices italienne et française
sont dirigés exclusivement contre des personnes racisées.
Dans une tentative désespérée de rejoindre des compatriotes et des membres de leur famille,
d’atteindre un endroit considéré non seulement comme sûr mais aussi comme propice à une
existence digne, les personnes trouvent des moyens de plus en plus dangereux de traverser
la frontière en empruntant des chemins de montagne accidentés ou à bord de moyens de
transport.
Trop souvent, des personnes disparaissent, meurent et sont abandonnées, sans qu’on puisse
leur attribuer un nom et une identité, et sans que les membres de leurs familles ne reçoivent
des informations sur leurs sorts, violant ainsi également leur droit à la vérité.
Les organisations de la société civile et les militants, dont les actions sont de plus en plus
criminalisées par les institutions, luttent pour offrir aux personnes en migration une
protection efficace et pour endiguer la présence de personnes sans scrupules qui profitent
des espoirs et des désirs de ceux qui tentent de traverser la frontière.
Les violations des droits aux frontières ne portent pas seulement atteinte au droit d’asile, des
mineurs et des autres personnes vulnérables, mais aussi à d’autres droits humains
fondamentaux, tels que le droit à la santé, le droit à la vie privée et familiale et le droit à
l’accès à une forme minimale d’hébergement pour éviter les formes graves de
marginalisation.
Il est donc indéniable que les violations qui ont lieu dans les zones frontalières, et qui
conduisent dans certains cas à la mort de personnes, sont l’effet secondaire de choix
politiques précis effectués au niveau local, national et européen. Le nombre croissant de
décès à nos frontières appelle à un changement urgent d’approche du système de gestion des
frontières intérieures et extérieures de l’Europe. La protection des droits fondamentaux et du
droit d’asile doit être le principe juridique autour duquel les politiques migratoires sont
repensées.
Les perspectives d’avenir sont très inquiétantes. En effet, la Commission européenne a
récemment rendu publique la proposition de règlement visant à réformer le code frontières
Schengen : un document qui, avec l’ensemble du paquet de réformes prévues contenues dans
le document politique « Stratégie pour un espace Schengen pleinement opérationnel et
résilient », semble être entièrement axé sur le renforcement des actions de contrôle aux
frontières par la promotion d’accords bilatéraux de réadmission et une nouvelle impulsion
aux accords de coopération policière.
Les organisations signataires expriment leur soutien sincère et inconditionnel aux familles des
défunts et appellent les organisations de la société civile à promouvoir toutes les actions utiles
pour s’opposer aux politiques actuelles de contrôle des frontières ainsi qu’aux changements
envisagés par la Stratégie Schengen (ou le code frontières Schengen) potentiellement
attentatoires aux droits fondamentaux des citoyens étrangers.
Elles appellent en plus:
les autorités italiennes et françaises:
• à modifier les politiques relatives à la gestion des frontières intérieures, en
particulier la manière dont les contrôles de police et de frontière sont effectués,
en veillant au plein respect des droits fondamentaux et des principes reconnus,
notamment, par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi
que des obligations internationales en matière de protection internationale et de
non-refoulement ;
les autorités locales:
• à fournir des services adéquats pour répondre aux besoins et à la nécessité de
protection des personnes en migration présentes sur les lieux frontaliers, en
garantissant au minimum un accueil également aux personnes en transit.
Liste des organisations signataires:
· ASGI
· Push-back Alarm Austria
· Progetto Melting Pot Europa
· Médecins du Monde
· Roya Citoyenne
· Diaconia Valdese
· WeWorld Onlus
· Pays de Fayence Solidaire
· Border Violence Monitoring Network
· Danish Refugee Council Italy
· No Name Kitchen
· RiVolti ai Balcani

Confine italo-francese: una frontiera dove si continua a morire. Appello alle autorità

 

Les signataires :

·       ASGI

·      Push-back Alarm Austria

·      Progetto Melting Pot Europa

·      Médecins du Monde

·      Roya Citoyenne

·      Diaconia Valdese

·      WeWorld Onlus

·      Pays de Fayence Solidaire

·      Border Violence Monitoring Network

·      Danish Refugee Council Italy

·      No Name Kitchen

·      RiVolti ai Balcani

https://www.asgi.it/primo-piano/confine-italo-francese-una-frontiera-dove-si-continua-a-morire-appello/