CAFI : Appel commun aux responsables politiques – Janvier 2022

Appel commun aux responsables politiques

des cinq associations :
Amnesty International France, La Cimade, Médecins du Monde,
Médecins
sans Frontières
et Secours Catholique-Caritas France

Appel en téléchargement : CAFI_Appel-commun-aux-responsables-politiques-2déc (2)

En 2017, constatant l’augmentation inquiétante des atteintes aux droits fondamentaux des
personnes migrantes arrivant ou présentes à nos frontières, nos cinq associations ont décidé d’unir leurs forces en créant le collectif CAFI, coordination des acteurs aux frontières intérieures.
Par cette alliance associative, nous tenons tout à la fois à mieux organiser la complémentarité des compétences et des moyens de chacune de nos structures nationales, à mieux soutenir les différents acteurs locaux – associations ou réseaux citoyens – en apportant aides et soutiens aux personnes exilées en difficultés, ceci tout en unissant nos interpellations et nos échanges avec les pouvoirs publics pour que les droits et la dignité de chaque personne soient mieux pris en compte.
Nos cinq associations centrent ainsi leur action commune sur la défense et le respect des droits et des libertés fondamentales des personnes migrantes aux frontières (franco-britannique, franco-italienne et franco-espagnole) : protection des mineurs isolés et des personnes vulnérables, accès à la demande d’asile et aux procédures d’octroi d’une protection internationale, prise en charge et assistance sanitaire et sociale inconditionnelle des personnes en situation de fragilité voire de danger, accès aux soins, refus des comportements intimidants voire brutaux des forces de l’ordre, pratiques illégales de refoulement aux frontières.
Nous avons été amenés à renforcer nos synergies car les constats quotidiens sur les pratiques des pouvoirs publics ne cessent de nous alarmer.
C’est à une dégradation grave du traitement des personnes exilées que nous assistons :
elle traduit une politique qui vise à dissuader ces personnes de faire valoir leurs droits et à les rendre invisibles, en les chassant du moindre campement constitué, en leur refusant les protections élémentaires, en renonçant à pourvoir à leurs besoins essentiels comme ceux d’un accès aux soins, à un hébergement, à l’hygiène, en les renvoyant illégalement de l’autre côté de la frontière, en les enfermant, en détruisant leurs affaires. Des pratiques désormais répandues, qui n’ont jamais apporté autre chose que des souffrances supplémentaires, la fracturation de nos sociétés, et l’affaiblissement du socle de nos valeurs communes.
Par des observations, des actions de terrain, des interpellations de responsables politiques, des contentieux, nous avons tenté depuis cinq ans d’amener les pouvoirs publics à corriger leurs instructions et leurs pratiques.
Nous n’avons obtenu que quelques petits aménagements,
mais force est de constater que nous nous sommes retrouvés face à un mur.
Un mur de refus de l’écoute et d’un réel dialogue,
Un mur d’arguments infondés et démentis par les faits, comme l’« appel d’air », les « effets d’aubaine», les « réseaux et filières à démanteler » pour justifier des pratiques répressives ou des actes de non-assistance à personnes en danger,
Un mur de mauvaise foi parfois, accusant les associations de collusion avec les réseaux de passeurs,
ou intimidant voire criminalisant les actions citoyennes de solidarité,
Un mur d’indifférence enfin aux souffrances rencontrées et vécues par les personnes exilées, se cachant derrière l’argument que toute action d’accueil et de protection serait incomprise par l’opinion publique et ne ferait que renforcer les franges les plus radicalement hostiles de la population.
Nous pourrions ainsi continuer à dénoncer ces faiblesses et ces renoncements aux valeurs et
principes fondateurs d’une grande nation démocratique.
Nous le ferons, bien sûr.
Mais notre responsabilité de grandes associations nationales est aussi d’appeler chacune et chacun à rompre ce dialogue de sourd, à sortir des postures et des discours convenus, à rechercher et à ouvrir, inlassablement, les voies d’un vrai dialogue, seul capable de construire des réponses concrètes à des questions difficiles et des situations complexes.
Il est urgent d’appeler à la construction d’une politique d’accueil des étrangers à même de préserver les libertés et les droits fondamentaux de toute personne et de leur garantir notamment l’accès aux soins sans barrières ni discrimination, de respecter les engagements internationaux de la France en matière de droits humains. Mais nous avons la conviction qu’il faut le faire en appelant à la contribution de tous les acteurs impliqués : personnes migrantes, Etat, collectivités territoriales, parlementaires, acteurs économiques, organisations syndicales, associations, acteurs de la recherche, société civile, etc.
C’est dans cet esprit que nous avons pris l’initiative de demander en 2019 la création d’une
commission d’enquête parlementaire, justement pour rassembler autour de la représentation nationale toutes celles et tous ceux qui peuvent contribuer et travailler à un tel objectif.
Cette commission d’enquête a été créée au printemps 2021.
Nous saluons son travail, qui a eu pour mérite d’aborder les questions de fond, grâce à des visites de terrain, des auditions de personnes concernées, des chercheurs et chercheuses, des responsables politiques et administratifs, des associations. Le rapport qu’elle vient de rendre le 16 novembre dernier contient de nombreuses recommandations. Certaines rejoignent nos préconisations, d’autres en sont plus éloignées. Nous allons en débattre et les approfondir, le travail doit se poursuivre et s’élargir encore.
Mais nous tenons à relever et à souligner d’abord l’intérêt majeur d’une telle démarche : comme l’ont montré les membres de la commission et les personnes qui y ont contribué, il est possible, hors de toute caricature et de tout simplisme ou calcul électoraliste, de débattre et de construire des réponses et des propositions concrètes pour que soient respectés les droits fondamentaux de toute personne, et en l’occurrence des personnes exilées.
Aujourd’hui, à la veille d’échéances électorales majeures que sont les présidentielles et les
législatives, et tandis que les déclarations et les prises de positions publiques sur le sujet ne font que renforcer nos inquiétudes, notre appel est simple :
il est temps d’élever le débat et de changer de posture ! Sortons des caricatures, travaillons et échangeons, quelle que soit notre place dans la société, d’abord et avant tout pour construire une politique et des mesures respectueuses des droits fondamentaux et de la dignité de toute personne !