Aide aux migrants : jugé en appel, Cédric Herrou estime « faire le travail de l’Etat »
LE MONDE | • Mis à jour le | Par Luc Leroux (Marseille, correspondant)
« Cela pourrait être moi à me retrouver là, devant les juges. J’ai fait ça toute ma vie, d’aider ceux qui en ont besoin… » Cette vieille militante de la communauté Emmaüs de Marseille s’est jointe, lundi 19 juin, à la centaine de manifestants venus témoigner leur soutien à Cédric Herrou, l’agriculteur de Breil-sur-Roya (Alpes-Maritimes), jugé devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence pour l’aide apportée, en octobre 2016, à quelque deux cents migrants, principalement des Erythréens et des Soudanais.
« J’ai transporté, j’ai hébergé des gens, et il y a des explications », confirme-t-il d’emblée devant la cour, alors que son procès s’est ouvert sur un rire provoqué par le président demandant benoîtement à Cédric Herrou, lors du traditionnel interrogatoire de personnalité : « Vous vivez seul ? » Tous ceux qui assistent à l’audience savent que, chaque semaine, l’agriculteur accueille environ 180 migrants chez lui.
Les bancs de la petite salle d’audience sont remplis de ces habitants de la Roya qui, confrontés à l’afflux de migrants, se sont organisés pour leur apporter une aide matérielle, des soins médicaux et un soutien juridique. Il y a là les bénévoles qui, fin juin, reprendront les maraudes quotidiennes à Vintimille, en Italie, pour livrer cinq cents repas à des migrants décrits comme « affamés au point que les distributions pourraient vite tourner à l’émeute ».
Il y a les quatre retraités qui connaîtront, vendredi 23 juin, le jugement du tribunal de Nice devant lequel ils ont comparu, le 16 mai, pour avoir accompagné des Erythréens et des Tchadiens, dont deux adolescentes. Il y a encore Michel qui ne comprend pas la raideur des juges : « Mais ils ne les ont jamais vus les migrants qui arrivent chez nous avec rien d’autre que ce qu’ils portent sur eux car les passeurs en Libye ont jeté toutes leurs affaires ? »
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Tous assurent ne pas comprendre la peine de huit mois de prison avec sursis que l’avocat général, Christophe Raffin, a requise contre Cédric Herrou. Le 10 février, le tribunal correctionnel de Nice l’avait condamné à une amende avec sursis de 3 000 euros, uniquement pour l’aide à l’entrée de migrants sur le territoire national, car il avait ramené de Vintimille les plus déterminés à franchir la frontière. Mais, pour l’aide apportée à ceux qu’il a accueillis chez lui, puis installés dans une colonie de vacances désaffectée de la SNCF, à Saint-Dalmas-de-Tende, les juges niçois avaient estimé que l’action de Cédric Herrou entrait dans le cadre de l’exemption humanitaire prévue par la loi. Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile exonère de poursuites pénales celui qui, sans contrepartie directe ou indirecte, a apporté « une aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de l’étranger ».
Ne pas retenir l’exemption humanitaire
L’avocat général a demandé à la cour de réformer ce jugement « aux motivations alambiquées et peu compréhensibles qui ont conduit le parquet [de Nice] à faire appel » et de ne pas retenir cette exemption humanitaire. Selon Christophe Raffin, il y a eu une contrepartie à l’aide apportée par Cédric Herrou, car « lorsque l’aide s’inscrit dans la contestation globale de la loi, elle sert une cause militante et constitue à ce titre une contrepartie ». L’accusation a estimé que « 3 000 euros avec sursis, cela n’est pas proportionné à l’aide apportée à plus de deux cents personnes ». Quant à la restitution du véhicule de l’association Roya citoyenne, utilisé pour transporter les migrants, ordonnée par le tribunal, elle est, aux yeux de l’avocat général, « incohérente et de nature à encourager la récidive ».
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Le tribunal avait également relaxé l’agriculteur du délit d’occupation illégale des locaux de la SNCF en retenant l’état de nécessité. « Le but, a expliqué M. Herrou, ce n’était pas d’y créer une habitation, mais d’alerter sur le fait que les mineurs isolés n’étaient pas pris en charge et pour que les majeurs puissent avoir accès à la plate-forme d’accueil des demandeurs d’asile. »
Avant l’audience, il avait confié son sentiment de « faire le travail de l’Etat ». Selon son avocat, Me Zia Oloumi, « Cédric Herrou est le visage de la solidarité ». Issu d’une famille qui accueillait d’autres enfants, « il a été nourri au grain du partage et de la fraternité ». La cour rendra sa décision le 8 août.