Politique nationale : la honte en marche – Projet de loi « immigration » au Sénat et autres turpitudes
- Pour tout savoir – et faire savoir – sur la future loi asile et immigration: www.gisti.org/projetdeloi2023 (lien à conserver : Cette page est
complétée quotidiennement, au fur et à mesure de l’actualité)
En résumé :Sous la pression de LR, qui fait feu de tout bois, le Sénat a notamment
adopté les graves régressions suivantes :* création de quotas en matière migratoire
* durcissement du regroupement familial
* suppression de l’Aide Médicale d’État
* précarisation des étudiants étrangers (légalisation majoration
inscription, dépôt caution pour premier titre de séjour)
* rétablissement du délit de séjour irrégulier, suppression de la
procédure de retenue administrative (retour à la garde à vue pour
vérification du droit au séjour)
* augmentation à 5 ans de la durée de résidence stable et régulière
pour l’ouverture des droits aux prestations sociales non contributives
(notamment allocations familiales et logement)
* limitation du nombre de renouvellements consécutifs d’une carte de
séjour temporaire
* durcissements en matière de nationalité (manifestation de la volonté
pour l’acquisition de la nationalité à 18 ans ; augmentation du délai à 5
ans pour l’acquisition de nationalité des conjoints de français ; déchéance
de nationalité pour les binationaux se rendant coupables d’homicides ou
tentatives d’homicides sur des personnes dépositaires de l’autorité
publique)
* levée d’une grande partie des protections contre l’expulsion
* durcissements en matière de droit d’asile (création d’un régime
d’assignation à résidence ou de placement en rétention du demandeur d’asile
qui présente une menace à l’ordre public ou un risque de fuite ; possibilité
de retirer un titre de séjour à un réfugié résidant régulièrement en France
depuis plus de 5 ans lorsqu’il est volontairement retourné dans son pays
d’origine ; extension des cas de placement en rétention des étrangers
dublinés)
* compétence liée du préfet pour la délivrance d’un document de
séjour, son renouvellement ou son retrait, lorsqu’il constate le non-respect
par un étranger du « contrat d’engagement aux principes de la République »
(avec une présomption de gravité caractérisée en cas de non respect du
contrat)
* information des organismes de sécurité sociale à compter de la
décision portant refus ou retrait de titre de séjour
* durcissement du régime d’assignation à résidence (renforcement des
sanctions pénales en cas de non-respect des prescriptions de l’assignation à
résidence et prise en charge par l’étranger des frais d’assignation à
résidence)Cela dit, ce texte n’est pas encore une loi, mais un projet qui sera
transmis l’Assemblée Nationale après le 14 novembre, laquelle aura à en
débattre à son tour, et pourra donc changer le cours des choses. - Article du Monde : https://www.lemonde.fr/politiq
ue/article/2023/11/10/projet- de-loi-immigrati
on-le-senat-acheve-son-durcissement-du-texte-avant-une-tres- probable-adoptio
n_6199401_823448.html - « Va-t-on se retrouver avec la mortalité infantile des pays du Sud ? » : face
à la suppression de l’AME, les médecins s’inquiètent : http://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote- d-azur/bouches-du
-rhone/suppression-de-l-ame-va-t-on-se-retrouver-avec-la-mor talite-infantile
-des-pays-du-sud-s-inquietent-des-medecins-2870804.html -
Le Sénat vote la suppression de l’aide médicale d’Etat pour les sans-papiers (200 voix pour, 136 contre).
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Une erreur ET une faute … Supprimer l’AME ? danger sanitaire, ineptie économique ! nous dit le corps médical https://gisti.org/IMG/pdf/la_revue_du_praticien_juin_2023_edito-suppression_ame.pdf
L’appel de 3 000 soignants : « Nous demandons le maintien de l’aide médicale d’Etat pour la prise en charge des soins des personnes étrangères »
Alors que la suppression de l’AME pourrait être débattue dans le cadre du projet de loi « immigration » qui arrive au Sénat lundi 6 novembre, des milliers de soignants rappellent, dans une tribune au « Monde », les raisons d’être de ce dispositif.
Nous, soignants de toutes spécialités et de toutes origines, souhaitons nous opposer fermement et de manière unie au projet de suppression de l’aide médicale d’Etat (AME) au profit d’un dispositif dégradé.
L’AME est une aide sociale qui permet aux personnes étrangères en situation administrative irrégulière d’avoir accès aux soins. Il s’agit d’un outil de lutte contre les exclusions qui n’est accessible que pour les personnes dont les ressources sont inférieures à 810 euros par mois et qui font preuve d’une résidence stable en France.
Les patients que nous soignons et qui bénéficient de l’AME ne sont pas, dans leur grande majorité, des personnes qui ont migré vers la France pour se faire soigner, mais des personnes qui ont fui la misère, l’insécurité ou qui l’ont fait pour des raisons familiales. Leurs conditions de vie difficiles en France les exposent à des risques importants : problèmes de santé physique et psychique, maladies chroniques, maladies transmissibles ou contagieuses, suivi prénatal insuffisant et risque accru de décès maternels.
Retards de diagnostic
A ce titre, il s’agit d’une population prioritaire en matière de santé publique. Limiter leur accès aux soins aurait pour conséquence directe d’entraîner une dégradation de leur état de santé, mais aussi plus globalement celui de la population toute entière. En témoigne l’exemple malheureux de l’Espagne : la restriction de l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière votée en 2012 y a entraîné une augmentation de l’incidence des maladies infectieuses ainsi qu’une surmortalité. Cette réforme a finalement été abrogée en 2018.
Nous, soignants du terrain, sommes extrêmement préoccupés à l’idée de devoir soigner dans un système de santé amputé de l’AME, car celui-ci serait alors exposé à un risque de paralysie. Les personnes étrangères sans papiers n’auraient d’autre choix que de consulter dans les permanences d’accès aux soins de santé (PASS) et les services d’accueil et d’urgences, déjà fragilisés et en tension, et qui se trouveraient à nouveau contraints d’assumer les conséquences de décisions politiques éloignées de nos réalités.
Lire aussi la tribune : « Non, l’aide médicale d’Etat n’est pas un scandaleux appât pour migrants ! »
Les barrières à l’accès aux soins sont déjà multiples pour ces patients. Les exclure encore davantage ne pourrait qu’entraîner leur renoncement aux soins et la dégradation de leur état de santé. L’éloignement du système de santé aboutit in fine à des retards de diagnostic, au déséquilibre et à l’aggravation des maladies chroniques, ainsi qu’à la survenue de complications. Le recours aux soins dans ce contexte survient en urgence avec des hospitalisations complexes et prolongées, parfois en réanimation, dans des structures déjà fragilisées, et à des coûts finalement bien plus élevés pour la collectivité, sans oublier les difficultés attendues à transférer ces patients en soins de suite et de réadaptation, qui requièrent une couverture maladie.
Dans le contexte de crise que vit l’hôpital public, et dont le Covid-19 a été le révélateur, la remise en cause de l’AME ferait donc courir un risque majeur de désorganisation du système de santé, d’aggravation des conditions de travail des soignants et de surcoûts financiers importants.
Leur santé, c’est aussi la nôtre
Nous, soignants exerçant en libéral, à l’hôpital, en centre de santé, en protection maternelle et infantile, dans les PASS, dans les structures de prévention et auprès d’associations, soignons les personnes sans papiers comme n’importe quels autres patients. Par humanité, et conformément au code de déontologie médicale auquel nous nous référons et au serment d’Hippocrate que nous avons prêté à la fin de nos études. C’est l’honneur de notre profession.
Lire aussi la tribune (2022) : « L’abandon de l’aide médicale d’Etat est à la fois dangereux médicalement, absurde économiquement et indigne moralement »
Restreindre l’accès aux soins à une population fragilisée sur la base d’un critère de régularité du séjour est contraire à la majorité des textes en vigueur en France sur les droits de l’homme, qui stipulent que tout individu doit avoir accès aux soins quels que soient son origine et son statut. Ainsi, nous refusons d’être contraints à faire une sélection parmi les malades entre ceux qui pourront être soignés et ceux laissés à leur propre sort. Nous demandons le maintien de l’AME pour la prise en charge des soins des personnes étrangères.
Au-delà de sa raison d’être humaniste, l’AME est aussi un outil essentiel à la santé des individus et à la santé publique. Leur santé, c’est aussi la nôtre. Les restrictions politiques ne feront qu’éprouver les corps, contribuer à la dégradation de la santé publique, compliquer la tâche des soignants et fragiliser un système de santé déjà exsangue.
Nous appelons donc le gouvernement et nos élus à renoncer à tout projet portant atteinte à l’AME ou venant restreindre son périmètre, et à conforter l’accès à une couverture maladie pour tous.
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Répondre aux besoins de santé mentale des demandeurs d’asile : une étude qualitative : https://www.france-terre-asile.org/toutes-nos-publications/details/1/285-repondre-aux-besoins-de-sante-mentale-des-demandeurs-d-asile-une-etude-qualitative
- La fabrique des sans-papiers https://www.lacimade.org/
publication/36707/ -
Une très bonne conférence de François Heran à visionner : « Demandeurs d’asile déboutés : en France, où en est-on ? : https://us06web.zoom.us/rec/play/mRqJwtDNubMNVK31aYLkeGyfHKZRe0kj9hNLOo8P8ku9iTXlBORswe8qkrkQfwkBj_ttwgvbhoy981o2.USY7VZ9HiYqbofLa?canPlayFromShare=true&from=share_recording_detail&continueMode=true&componentName=rec-play&originRequestUrl=https%3A%2F%2Fus06web.zoom.us%2Frec%2Fshare%2FlCHQLmyMr6wWReRtbne4hQ0VrL7PbFb_oXt5rDSz5ah0jQSxRS582FwfmJ8q1rHk.FQOdsbJ6nusnwPYv
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En raison de la complexité de ce projet de loi et de la multiplicité des mesures proposées, La Cimade a choisi d’attirer votre attention sur celles qui lui semblent particulièrement emblématiques : https://www.lacimade.org/analyse/projet-de-loi-asile-et-immigration-2023/
une mine de mises au point, affiches, vidéos…