Revue de presse italienne 19/9 au 27/10/23

 

  • 27/10/23, Riviera 24, « 5 millions d’euros du ministère de l’Intérieur pour les communes frontalières touchées par les flux migratoires, Vintimille en bénéficiera également. » : https://www.riviera24.it/2023/10/5-milioni-di-euro-dal-ministero-dellinterno-per-comuni-di-confine-interessati-dai-flussi-migratori-ne-beneficera-anche-ventimiglia-836837/
    « Ils seront utilisés pour faire face aux dépenses liées au phénomène migratoire, telles que le nettoyage et les interventions anti-bivouac« , a déclaré le maire Di Muro.
    !!!
  • 4/10/23, Il Fatto quotidianohttps://www.ilfattoquotidiano.it/2023/10/04/la-tunisia-non-e-un-paese-sicuro-dai-giudici-di-firenze-nuovo-schiaffo-al-governo-annullata-lespulsione-di-un-richiedente-asilo/7313176/
    « La Tunisie n’est pas un pays sûr ». Les juges de Florence infligent un nouveau camouflet au gouvernement : ils ont annulé l’expulsion d’un demandeur d’asile
     » La grave crise socio-économique, sanitaire, hydrique et alimentaire, ainsi que l’involution autoritaire et la crise politique en cours » en Tunisie « sont de nature à rendre caduque l’évaluation sécuritaire faite en mars par le gouvernement italien ». Après le rejet de la détention de quatre demandeurs d’asile de Catane, une autre décision judiciaire démantèle les politiques migratoires de l’exécutif Meloni. Comme le rapporte La Stampa, le tribunal de Florence a fait droit au recours d’un migrant tunisien à qui le Viminale avait refusé la protection humanitaire, annulant l’arrêté d’expulsion et lui reconnaissant « le droit de rester sur le territoire national ». La raison ? Selon les magistrats, le pays d’Afrique du Nord ne peut être considéré comme sûr, bien qu’il figure sur la dernière liste mise à jour (et prolongée) par le ministère des affaires étrangères en mars 2023. Ses ressortissants ne peuvent donc pas être expulsés dans le cadre d’une procédure accélérée. En fait, la Cour toscane – rapporte La Stampa – estime qu’elle doit fournir « une garantie supplémentaire de légalité » en ce qui concerne la simple vérification de l’inscription de l’État sur la liste, par respect pour les normes internationales et constitutionnelles. « Le sacrifice des droits des demandeurs d’asile ne dispense pas le juge de l’obligation générale de vérifier et de motiver les profils de sécurité du pays. Et dans ce cas précis, écrivent les juges, citant des ONG et des médias internationaux, « la Tunisie traverse une grave crise démocratique, avec une concentration significative de tous les pouvoirs entre les mains du président Kais Saied », qui, ces derniers jours, « a démis unilatéralement 57 juges de leurs fonctions ». Par ailleurs, « autre profil très important », l’ONU a dénoncé les « conditions terribles » auxquelles sont contraints les étrangers demandeurs d’asile en Tunisie. C’est pourquoi l’évaluation de la sécurité du pays par le gouvernement doit être considérée comme anachronique. Un nouveau camouflet pour les projets du premier ministre qui mise tout sur les accords de rapatriement avec la Tunisie pour résoudre la crise migratoire. « 
  • 2/10/23, La Repubblica, : https://video.repubblica.it/metropolis/metropolis414-ventimiglia-piantedosi-contestato-no-ai-cpr-il-governo-fa-propaganda-sulla-pelle-dei-migranti/453797/454760
    « Ventimiglia, Piantedosi contesté : « Non au Cpr, le gouvernement fait de la propagande sur la peau des migrants ».
    Le dernier ministre de l’intérieur à s’être rendu à Vintimille, il y a presque huit ans, était Angelino Alfano. Aujourd’hui, le ministre Matteo Piantedosi s’est arrêté dans la ville frontalière, et pour l’accueillir, il a trouvé une manifestation transversale de citoyens et d’associations opposés au CPR. L’instrument pré-annoncé par le gouvernement Meloni pour gérer les flux migratoires dans la ville ne plaît guère. Les associations de solidarité actives dans la ville expliquent pourquoi : « On parle de centres de rapatriement et de frais pour en sortir, mais ce ne sont que des messages à leurs électorats de référence – réfléchit Jacopo Colomba, de WeWorld – La solution serait de gérer les flux avec plus de soutien humanitaire ». La solution serait de gérer les flux avec plus de soutien humanitaire, notamment parce que la grande majorité des migrants qui passent par ici sont des réfugiés et que s’ils ne peuvent pas passer la première frontière, ils en passeront une deuxième. »
  • 2/10/23, Il Fatto quotidiano, « Nouveaux CPR : de la droite à la gauche, ceux qui disent non au centre de rapatriement » : https://www.ilfattoquotidiano.it/2023/10/02/nuovi-cpr-piantedosi-contestato-a-ventimiglia-le-voci-del-presidio-da-destra-a-sinistra-ecco-chi-dice-no-ai-centri-per-il-rimpatrio/7311157/
  • 2/10/23, Riviera 24, « Urgence migrants, ministre Piantedosi : « Le CPR ne sera pas à Vintimille » : https://www.riviera24.it/2023/10/emergenza-migranti-il-ministro-piantedosi-il-cpr-non-sara-a-ventimiglia-833604/?share_from=facebook&fbclid=IwAR1SrU5vDfV6fIgZDRzadLIrLR_e9PFacQw9-CEBrXf-u_cuH_7pAUHBo3w-
    Une augmentation des effectifs des forces de l’ordre, la création d’une ou plusieurs structures d’accueil, à Vintimille, pour les migrants qui seront identifiés, et la création d’un CPR (mais le lieu et le calendrier restent pour l’instant incertains) en Ligurie, mais pas à Vintimille. Telles sont, en substance, les solutions apportées par le ministre Matteo Piantedosi lors de sa visite dans la ville frontalière et à Imperia, où il a participé à la commission de l’ordre public et de la sécurité.« Nous sommes ici parce que nous sommes conscients du problème qui pèse sur ce territoire en raison de l’intensification des flux migratoires que nous avons connue cet été », a commencé M. Piantedosi, « je suis venu ici pour entendre les besoins des administrateurs locaux, en particulier le maire de Vintimille, nous avons pris note, évidemment nous n’étions pas au mois zéro, parce qu’à travers la préfecture nous avions déjà une bonne base de travail commencé à imaginer quelques solutions qui pourraient constituer une façon plus appropriée de gérer ce phénomène ».

    Renforcement de la répression. « Ici aussi, nous poursuivrons l’engagement pris par le gouvernement depuis le début de l’année de renforcer les forces de police en général », a ajouté le ministre : « Au moins 53 unités de police et de carabiniers seront affectées à la province d’Imperia d’ici à la fin de l’année. Dix autres unités seront affectées à la police des frontières. D’autres affectations sont également prévues pour la Guardia di Finanza (…)

  • 2/10/23, San Remo News, « Urgence migrants, Piantedosi : « Le Cpr ne sera pas construit à Vintimille où l’accueil est nécessaire«  : https://www.sanremonews.it/2023/10/02/mobile/leggi-notizia/argomenti/cronaca/articolo/emergenza-migranti-piantedosi-il-cpr-non-sara-realizzato-a-ventimiglia-dove-serve-accoglienza.html
    « Réaliser en peu de temps à Vintimille une structure pour améliorer l’accueil ainsi que la réalisation en Ligurie d’un Cpr, qui ne sera pas dans la ville frontalière ». Tel est le sens de la réunion du Comité pour l’ordre et la sécurité qui s’est tenue aujourd’hui à la préfecture d’Imperia, après les rencontres du ministre Matteo Piantedosi à Vintimille et celles, dans la capitale, avec le président de la province, Claudio Scajola, avec le préfet lui-même et avec les maires.
  • 29/9/23, San RemoNewshttps://www.sanremonews.it/2023/09/29/mobile/leggi-notizia/argomenti/politica-1/articolo/confermata-la-visita-di-lunedi-del-ministro-piantedosi-alle-10-a-ventimiglia-e-alle-1130-in-prefe.html
  • 25/9/23, Il Secolo XIX, « Piantedosi à Vintimille pour l’urgence migratoire : La visite annoncée pour un sommet régional de Forza Italia par le vice premier ministre Tajani, l’inspection pour prendre acte de la situation et évaluer l’hypothèse du CPR »
  • 22/9/23, Centre de documentation de Pistoia « Glia asini » : « Vintimille, frontière méditeranéenne », de Rafael Campagnolo : https://gliasinirivista.org/ventimiglia-frontiera-mediterranea/
    Trad. NDLR :  » Vintimille surplombe la Méditerranée. Ici, on voit souvent la mer, mais sa présence n’a jamais semblé centrale. Il s’agissait d’un récit de voyage, souvent dramatique, ou d’un paysage à couper le souffle dans un contexte plein d’injustices et de contradictions. Ces derniers mois, cependant, quelque chose a changé dans cette perception. Si le naufrage de Cutro, énième massacre d’une guerre qui dure depuis des années, a déclenché un nouveau durcissement des politiques migratoires qui a également touché Vintimille, la mort de deux personnes retrouvées sur la plage en juin, à quinze jours d’intervalle, nous parle des effets de ces politiques de mort, de criminalisation et d’invisibilisation sur ce territoire. La frontière franco-italienne est fermée depuis plus de huit ans, ce qui n’empêche pas les gens de continuer à passer. Ce qui a changé ces dernières années, ce sont les niveaux de violence que les voyageurs sont contraints d’endurer. En fait, l’ensemble des contrôles n’a jamais eu pour but d’empêcher durablement le passage, mais plutôt de servir de dissuasion, de filtre et de soupape que l’État français utilise pour gérer le phénomène en fonction de ses intérêts contingents. L’Europe montre son vrai visage aux frontières extérieures et intérieures de l’Union.
    Les personnes non blanches et sans papiers qui ont atteint Vintimille ces dernières années avec l’intention de franchir la frontière ont trouvé un ensemble de contrôles qui évolue de manière non linéaire, avec des moments de forte militarisation alternant avec une démilitarisation partielle, à observer et à comprendre dans leur dynamique euro-méditerranéenne. En fait, Vintimille reflète et condense des dynamiques complexes et géographiquement dispersées qui, à première vue, ne sont pas toujours apparentes.
    Ce que l’on appelle le « régime des frontières » est une réalité extrêmement concrète de contrôles raciaux et de militarisation du territoire. Pour les migrants, qu’ils viennent de la Méditerranée centrale ou des Balkans, Vintimille est depuis longtemps le point de passage obligé vers certaines des destinations les plus populaires du nord de l’Europe : la France et l’Angleterre, mais pas seulement. Ceux qui se rendent sur un continent qu’ils ne connaissent pas ont tendance à choisir les solutions de voyage les plus simples et les moins chères, et pour l’Europe, c’est le train. Ici, les gares de Vintimille et de Menton Garavan, respectivement dernière gare italienne et première gare française, sont des lieux où le racisme structurel de la frontière est visible et évident.Ici, les contrôles sont permanents et systématiques depuis 2015, et leur nature raciale est impossible à nier, nous montrant que les régimes d’apartheid ne sont pas une image floue du passé, mais un présent dystopique. Ici, tous les jours, des personnes non blanches, non européennes, sans les bons documents de passeport, qu’il s’agisse d’hommes, de femmes ou d’enfants, sont arrêtées, contrôlées et laissées descendre du train. Lorsque les médias rapportent les chiffres froids du nombre de refus à la frontière entre l’Italie et la France, il s’agit d’un contrôle racial.

    Une fois les personnes débarquées du train du côté français, elles sont transférées dans les bureaux de la Police aux Frontières, au point de passage de Pont Saint-Louis, où les rejets ont lieu en coopération avec la Police aux Frontières de Vintimille, conformément aux accords de coopération transfrontalière. Pour les personnes refoulées, cela signifie une détention dans des algécos où, selon l’heure et le statut des personnes appréhendées, elles peuvent passer plusieurs heures, dans certains cas toute la nuit, et jusqu’à 24/48 heures.

    Des contrôles raciaux du même type ont également lieu dans le Val Roya et le Val Bevera. Ceux qui échouent à la première tentative commencent à passer en revue les autres possibilités de passage : autres trains, sillons possibles, etc. Ces vallées, voies de communication historiques entre le Piémont et la côte, ont été progressivement militarisées, prenant prétexte des attentats de Paris en novembre 2015 et de Nice en juillet 2016. Ainsi, à Castellar, petit village situé juste au-dessus de Menton, la présence de l’armée est devenue normale, avec les véhicules de l’opération antiterroriste Vigipirate exposés sur les parkings du village et des soldats armés patrouillant sur les chemins depuis l’Italie. A Sospel, la construction de la nouvelle caserne de gendarmerie à côté de la gare est en cours d’achèvement, et au fil des années, les militaires de différents corps, dont la Légion étrangère, n’ont pas manqué non plus. Pour compléter ce tableau, les autorités françaises ont récemment officialisé la présence de pas moins de cinq drones entre Menton et Breil, chacun ayant un secteur précis à patrouiller.

    Il serait toutefois erroné de présenter ce déploiement de forces comme ingérable. Si l’on constate un « affinement » progressif du dispositif déployé, les effectifs et leur efficacité répressive subissent des variations différentes selon l’importance des flux, les itinéraires empruntés et le moment politique.

    La politique à la frontière

    Le renforcement et le relâchement des contrôles nous montrent les liens entre les frontières intérieures, les frontières extérieures et l’espace euro-méditerranéen dans son fonctionnement concret. La première « variable » est ce que l’on appelle les flux et les itinéraires des migrants, c’est-à-dire le nombre de personnes qui entrent dans l’espace européen avec l’Italie comme premier port d’escale, et ce qu’elles choisissent ensuite de faire en fonction des différentes options.

    Le débarquement de plus de 90 000 personnes depuis janvier devrait suffire à ridiculiser un gouvernement qui est arrivé au pouvoir en criant « zéro débarquement », et à montrer à tout le monde qui est la première force sociale et politique à laquelle il faut faire face lorsqu’on parle de migration : les migrants eux-mêmes et leur mouvement autonome. Si, en effet, le nombre de naufrages et les conditions de vie des personnes en migration nous donnent une image dramatique de la situation, force est de constater que les accords avec la Libye pour fermer la route de la Méditerranée centrale n’ont pas suffi à l’Italie et à l’Europe forteresse. Les personnes en déplacement ont commencé à passer par la Tunisie, qui est devenue le premier pays d’où partent les migrants débarquant sur les côtes italiennes.

    Dans les mois à venir, ce seront surtout les personnes en migration et leur mouvement collectif qui détermineront ce qui se passera à Vintimille. Le temps de l’organisation collective à la frontière est fait d’accélérations, de spontanéité et est donné sur place, mais de ce temps dépend certainement la possibilité d’arracher des morceaux de liberté contre la géographie du contrôle, de greffer des liens de solidarité et de prise de soins.

    Un autre facteur important pour comprendre la dynamique migratoire est le développement des relations entre les deux pays voisins dans le cadre européen. Si une synthèse entre les néolibéraux et l’extrême droite semble enfin être trouvée avec le nouvel accord sur les migrations, des contradictions majeures restent sur la table.

    La question centrale, après celle des débarquements, est celle des mouvements secondaires. Le principe du premier pays d’entrée demeure et la politique de relocalisation, qui n’a jamais fonctionné, semble être mise en avant pour montrer une certaine compréhension plutôt que pour trouver des solutions viables.

    Les seuls points d’accord sont les politiques d’externalisation des frontières et la détention et l’expulsion des sans-papiers vers des pays dits tiers. Si tel est le cadre européen, il n’est pas surprenant que de petites crises se soient ouvertes entre la France et l’Italie sur la question du transit, avec des conséquences réelles sur la vie des territoires frontaliers et des personnes qui les traversent. Pour citer deux épisodes récents, nous avons le cas du navire Ocean Viking, débarqué à Toulon le 11 novembre 2022 par le gouvernement français après que l’Italie lui ait refusé l’autorisation d’accoster pendant plusieurs jours, ce qui a conduit à un renforcement des contrôles à la frontière franco-italienne, et la crise née début mai des déclarations du ministre français de l’intérieur Darmanin sur le premier ministre italien Meloni, jugé incapable de gérer la question migratoire.

    L’extrême droite française en a profité pour pousser un coup de gueule, et la réponse du Premier ministre français Elisabeth Borne n’a pas tardé. Cent cinquante agents supplémentaires et l’annonce de la création d’une nouvelle police des frontières. Le ministre des affaires étrangères Tajani s’est immédiatement relancé en annulant un voyage à Paris prévu de longue date.

    Entre-temps, l’Italie avait déjà commencé à refuser le rapatriement des « dublinati », ce que le gouvernement français n’a certainement pas apprécié, conduisant à l’une de ces situations paradoxales dans lesquelles les racistes italiens servent les intérêts des sans-papiers, obligeant la France à accepter leurs demandes d’asile. La rencontre entre Tajani et Catherine Colonna, la ministre française des affaires étrangères, a sanctionné le dégel des relations en commençant par l’intérêt commun de traiter la « question tunisienne ». Après cette rencontre, sans que rien d’officiel ne soit communiqué sur les contrôles à la frontière franco-italienne, ceux-ci ont été drastiquement réduits et la présence des forces de police françaises à la frontière s’est raréfiée.

    Les débats, les conflits sociaux et les lignes de tension de la société française ont souvent un impact direct sur ce qui se passe à la frontière. Nous avons déjà évoqué les attentats terroristes de 2015 et 2016, qui ont conduit à un renforcement brutal des contrôles et à l’activation du plan de sécurité Vigipirate. A l’inverse, les vagues de grèves et de mobilisations (Gilets Jaunes, Loi Travail, Loi Retraite), ainsi que les émeutes urbaines qui ont éclaté après le meurtre de Nahel (17 ans, banlieue de Nanterre) par la police, se sont toujours traduites par une diminution drastique des contrôles aux frontières. Dans tous ces cas, le gros du personnel est rappelé dans les villes pour gérer l’ordre public, ce qui permet de faciliter le transit des personnes bloquées à Vintimille.
    Une fois que l’on a saisi quelques aspects généraux de l’évolution des contrôles, il convient de répéter que ceux-ci se sont progressivement intensifiés au cours des huit dernières années, affectant profondément le territoire de Vintimille.

    Au cours de ces années, les conditions de vie des migrants se sont progressivement détériorées. L’absence de toute forme d’accueil institutionnel (Campo Roya, la structure d’accueil gérée par la Croix-Rouge, a été fermée pendant la pandémie), suite à la répression des campements autogérés en 2015/2016, a conduit à la création de campements informels où les conditions de vie sont devenues de plus en plus précaires, avec de graves problèmes pour la santé des personnes et des conditions de marginalité, de violence et de souffrance difficilement acceptables. La difficulté accrue de franchir la frontière a conduit les gens à choisir des itinéraires de plus en plus dangereux. Ainsi, au fil des années, tant les hospitalisations liées à des accidents lors de tentatives de traversée que les décès (au moins 44 depuis 2015) directement ou indirectement imputables à la violence structurelle de la frontière ont augmenté. C’est sur cette situation d’extrême dureté et de violence que s’est imposée à Vintimille la ligne Meloni-Piantedosi, choisie par le gouvernement pour réagir aux accusations d’échec du sauvetage suite au naufrage du Cutro. En quelques semaines, nous avons vu le nouveau préfet relancer la politique répressive en mettant l’accent sur la communication et la coordination des forces sur le terrain. Fin mars, un mois après le massacre qui a coûté la vie à au moins une centaine de personnes, un arrêté anti-dégradation a été annoncé, comprenant l’interdiction de « bivouaquer ou dormir à la dure » dans la Via Tenda, dans le centre ville, près de la gare et dans toutes les zones situées dans le lit de la Roja et le long des deux rives. L’ordonnance prévoit également la possibilité d’émettre des ordres d’expulsion (Daspo urbano) pour ceux qui ne respectent pas les interdictions énoncées dans l’ordonnance, donnant ainsi à la police un outil supplémentaire contre ceux qui vivent dans les rues et dans les quartiers informels (en plus des expulsions vers les hotspots et les Centres de Permanence pour le Rapatriement – CPR déjà utilisés au cours des dernières années).

    Le 28 mars, l’opération dite « Pantographe » a été menée en coopération entre les parquets d’Imperia et de Nice et entre la police des frontières de Vintimille et la police française des frontières (Paf) à Menton. Des hélicoptères dans les airs, des chiens renifleurs de drogue et des dizaines de voitures de patrouille ont été mobilisés pour arrêter 13 personnes qui, selon le procureur d’Imperia Lari lui-même, ne constituaient pas une véritable organisation (aucune association de malfaiteurs n’est contestée). Il s’agit de « pauvres » passeurs, sans véritable organisation, qui pratiquaient des prix de passage allant de 30 à 150 euros, inférieurs aux prix courants du marché (environ 200 euros pour un passage avec les organisations plus structurées opérant à Vintimille sous couvert de la ‘ndrangheta).

    Bref, un mois après le désastre de Cutro, le gouvernement, par l’intermédiaire de son représentant sur le terrain, choisit d’appliquer à Vintimille la même stratégie que celle décidée au niveau national : désigner un ennemi imaginaire à traquer en détournant l’attention de ses propres responsabilités. L’aide à l’immigration clandestine, c’est-à-dire l’aide au passage en échange d’argent (smuggling), et la traite des êtres humains (trafficking) sont délibérément confondues en une seule catégorie.

    Les  » trafiquants  » deviennent responsables des morts de Cutro comme de celles de Vintimille (le nom de  » pantographe  » de l’opération précitée fait référence à la partie du train où plusieurs personnes ont trouvé la mort par électrochocs en tentant de se cacher pour entrer en France), tandis que les véritables auteurs des violences frontalières et l’appareil répressif mis en place se légitiment comme des acteurs de l’ordre dans un monde en ébullition.

    Entre avril et mai, les quelques forces de solidarité présentes sur le territoire tentent de se réorganiser pour répondre aux manœuvres du préfet, qui annonce entre-temps l’ouverture de quatre Points d’Accueil Diffus (PAD) pour accueillir femmes et enfants. Le préfet obtient la collaboration des grandes organisations humanitaires, Caritas et la Croix-Rouge, et un silence gêné des autres ONG présentes dans la zone. Le 30 avril, une assemblée publique contre les frontières, le racisme et la violence institutionnelle a été convoquée, et c’est à partir de là qu’a pris forme la décision de retourner manifester à Vintimille. Le dimanche 21 mai, entre les deux tours des élections municipales dans la ville frontalière, une manifestation sera organisée en mémoire de Moussa Balde (décédé en mai 2021 dans le Cpr de Turin après avoir été battu par trois Italiens à Vintimille) qui rappellera que toutes les conditions de violence et de racisme structurel qui ont conduit à sa mort sont toujours présentes et actives. La semaine suivante, le candidat de la Lega Nord, Flavio di Muro a été élu maire et son premier déplacement a été un cadeau du préfet Romeo : l’expulsion du campement informel situé sous l’autoroute Via Tenda, avec des bulldozers.

    Au cours de cet été, la situation ne s’est pas améliorée et la stratégie de répression et de criminalisation est restée la principale stratégie face à l’impossibilité d’empêcher les gens de continuer à se déplacer dans l’espace européen et donc d’habiter Vintimille pour des périodes plus ou moins longues. Si le vernis humanitaire de l’action du préfet, désormais soutenu par le maire leghiste nouvellement élu, commence à montrer ses premières fissures et que Caritas elle-même a été contrainte d’admettre qu’elle n’était pas entièrement d’accord avec les choix institutionnels, en revanche, les raids interforces, les soi-disant « patrouilles », se sont poursuivis et la municipalité a décidé de dépenser des fonds publics pour installer des filets « anti-dégradation » et de payer une société de sécurité privée pour chasser les gens du dernier endroit où ils ont cherché un abri et un point d’eau : le cimetière.

    A Vintimille, comme en Méditerranée et dans le désert libyen, les gens ne meurent pas par hasard, mais à cause des politiques de mort que les institutions, dans leurs diverses articulations internationales, nationales et locales, ont choisies comme réaction au mouvement des personnes, et c’est pour cette raison que pour bien comprendre ce qui se passe à Vintimille, on ne peut pas ignorer ce qui se passe en Tunisie en ce moment.

    Les États européens, confrontés à l’ingouvernabilité de leur mouvement, cherchent par tous les moyens à contenir et à contrôler les personnes en migration, au prix du sacrifice de milliers de vies dans cet effort. Dire que les trafiquants sont le problème aujourd’hui, ce n’est pas seulement Meloni, mais toute une classe politique européenne cynique et sans vergogne. L’accord fermé entre la Commission européenne et le gouvernement tunisien, fortement soutenu par l’Italie, signale en ce sens qu’un nouveau seuil a été franchi. L’obsession de Tajani ces derniers mois pour la crise tunisienne, et le consensus qui s’est créé autour de cette question au niveau européen, révèlent à quel point il est stratégique de déplacer la crise humanitaire du cœur de l’Europe vers des pays tiers grassement payés pour laisser mourir les gens loin de nos côtes et de nos villes, comme c’est le cas dans le désert à la frontière entre la Tunisie et la Libye.

    La question humanitaire est un sous-produit de la fermeture prolongée des frontières et de leur militarisation, et c’est pourquoi il devient urgent de réaffirmer la centralité de la liberté de circulation, d’activer les pratiques de guérison et de poser la nécessité du désarmement. Déchirer des morceaux de liberté et soutenir ceux qui « percent » quotidiennement la frontière reste une pratique de solidarité radicale qui doit aujourd’hui aller de pair avec la guérison des blessures, pas seulement physiques, produites par la violence raciste. Apporter un soutien psychologique aux personnes en transit, s’occuper des morts aux frontières et des personnes qui ont été tuées par la violence raciste est une pratique de solidarité radicale. Le soutien psychologique aux personnes en transit, les soins apportés aux morts à la frontière et à leurs familles, et bien d’autres gestes de sollicitude, sont aujourd’hui la condition nécessaire à toute possibilité de relations politiques entre les solidaires et les personnes sans-papiers. Il est de plus en plus nécessaire d’ouvrir un débat sur la manière dont nous pouvons, à partir de la base, promouvoir des actions concrètes qui contribuent à désarmer l’appareil répressif massif qui a été renforcé ces dernières années. Liberté, attention, désarmement sont quelques-uns des mots possibles pour repenser une stratégie efficace en ces temps difficiles où le risque réel est de se sentir écrasé par les événements. Le mouvement populaire ne montre aucun signe d’arrêt, la machine répressive poursuit ce mouvement, et c’est à nous, Européens solidaires des peuples en marche, d’être à l’écoute de cette situation et de relancer une lutte antiraciste qui évacue la peur et le découragement pour construire la liberté. « 

  • 25/9/23, Il Fatto quotidiano, « Le cynique petit théâtre de la frontière entre l’Italie et la France : Refoulements ? Au final, tous les migrants passent. » : https://www.ilfattoquotidiano.it/2023/09/25/il-cinico-teatrino-sul-confine-tra-italia-e-francia-respingimenti-alla-fine-passano-tutti-i-migranti-il-videoreportage-da-ventimiglia/7302345/ 
    Trad. NDLR : « Environ 300 personnes s’arrêtent à Vintimille dans l’attente de se soustraire aux contrôles et de passer la frontière française. « C’est un chiffre conforme à la moyenne de la période », explique Costanza Mendola, assistante socio-juridique de la Diaconie vaudoise, « beaucoup viennent de Lampedusa mais nous ne constatons pas d’augmentation dramatique. Cependant, il s’agit d’un phénomène structurel qui dure depuis des années, on ne peut pas parler d’urgence« . Ces derniers jours, le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé pour la énième fois un renforcement des contrôles. Il parle de 120 agents supplémentaires et de la création d’un autre espace pour repousser les migrants vers l’Italie », explique le travailleur humanitaire Jacopo Colomba, « mais ici, la frontière est toujours militarisée. Le nombre d’agents varie en fonction de l’ordre public ou des besoins de propagande du gouvernement français« . Côté italien, l’absence totale de soutien aux migrants en transit arrange tous ceux qui ont envie de crier « ils nous laissent tranquilles ». Côté français, les démonstrations musclées des gendarmes servent à Macron à envoyer un message de « contrôle et de sécurité » à l’extrême droite qui lui reproche de « laisser entrer tout le monde » et à une bonne partie de l’opinion publique qui le suit. Depuis 2015, la libre circulation à l’intérieur des frontières européennes imposée par Schengen est effectivement suspendue sous l’alibi de la « sécurité nationale », les gens sont arrêtés sur la base de la couleur de la peau. Ceux qui sont pris sans les documents nécessaires pour circuler en Europe sont rejetés. Quand cela se passe bien, c’est de manière discutable, quand cela se passe mal, c’est par la force. Mais tout cela n’est qu’un théâtre cynique », commente, dépité, Christian Papini, responsable de la Caritas de Vintimille, « au niveau local, on voit des refus, mais chiffres en main, ils passent tous ». À Vintimille, il y a toujours 2 à 300 personnes en transit, entre celles qui arrivent et celles qui sont rejetées, mais le roulement est continu. Quatre-vingt-quinze pour cent des personnes qui atteignent la frontière la franchissent », confirme M. Colomba en montrant les données d’Eurostat pour les huit dernières années, « la France à elle seule, en pourcentage de la population et en chiffres absolus, est à l’origine de plus de deux fois plus de demandes de protection humanitaire que l’Italie, et il ne s’agit pas de débarquements, mais de personnes qui passent par ici« . Malgré ce qui se passe dans les premiers kilomètres après la frontière, en 2022, le nombre de demandeurs par million d’habitants est de 2 000 en France, 1 300 en Italie (respectivement 0,2 % et 0,1 % de la population nationale). Les frontières italiennes sont en principe largement ouvertes. Bien qu’ils y soient contraints par le règlement controversé de Dublin, très peu de migrants débarquant en Italie y demandent l’asile. Dans le classement du nombre de demandeurs d’asile accueillis par les pays de l’UE, l’Italie se situe au 20e rang. « Si le système officiel de relocalisation est lent, explique Mendola, les gens se relocalisent eux-mêmes. 
    Pendant ce temps, dans les montagnes de la vallée de la Roya et dans les villages au-dessus de Menton, les véhicules de l’opération antiterroriste « Vigipirate » tournent depuis des années. Les drones n’ont pas encore été aperçus, mais des caméras et des camions surveillent les sentiers.
    Pourtant, pendant que les projecteurs (et les caméras) sont braqués sur la « scène » de « l’urgence ordinaire », la plupart des sans-papiers franchissent la frontière en voiture, le long des autoroutes, où les contrôles sont plus rares. Pour cela, il suffit d’avoir un contact qui accepte de venir vous chercher. Le risque d’être arrêté est réel, mais il est réduit si l’on a la prévoyance de ne pas sortir au premier carrefour. Les personnes arrêtées pour avoir aidé et encouragé l’immigration irrégulière effectuent généralement ce « service » de manière continue. La fermeture des frontières alimente l’activité des passeurs, qui demandent pas moins de 150 euros pour vous faire passer. Vous pouvez aussi essayer de vous cacher dans les trains, de monter dans les camions ou de franchir les cols de montagne. Mais moins on paie, plus on risque. Tout cela fait partie de la pantomime violente qui se joue de part et d’autre de la frontière. 
    Des rejets collectifs de migrants trouvés dans les premiers kilomètres du territoire transalpin, y compris des mineurs, sont mis en scène tous les jours. Des pratiques de réadmission que plusieurs arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne, dont le dernier jeudi dernier, ont déclaré illégitimes. « Il y a aussi de la violence physique, dénonce Giulia Berberi, médecin à la clinique ambulatoire de Caritas, nous voyons tous les jours les marques que ces traitements laissent sur les corps des personnes rejetées, mais aussi beaucoup de désorientation et de lourds traumatismes psychologiques ». La France traite les refoulements comme des « opérations de collaboration entre les polices des frontières » et fait appel au traité de Chambéry qui, selon son interprétation, l’y autoriserait.  »

  • 18/9/23, Il Secolo XIX, « Les Chasseurs alpins dans la vallée de la Roya. Les sentiers des migrants dans le collimateur » :